mardi 20 décembre 2016

Cours - La perception

Introduction

La perception renvoie à la façon dont un sujet reçoit le monde extérieur par l'intermédiaire des sens. Toute perception commence par une sensation. Mais la perception ne se limite pas à la sensibilité car elle suppose aussi un travail réflexif. La perception est en quelque sorte déjà un jugement : ce que nous voyons, notre esprit le retraduit inconsciemment. L'illusion d'optique permet de comprendre ce travail inconscient de l'esprit. Dans un trompe l'oeil, nous croyons voir quelque chose qui, en réalité, n'existe pas. La perception se trouve donc au carrefour de la sensation et du jugement. Elle met en relation nos sens et notre propre réflexion sur eux.

Pour autant, que serait une sensation pure, prise indépendamment de tout jugement ? Nous donnerait-elle accès à la vérité nue ? Rien est moins sûr. Une perception conçue comme l'acte par lequel l'esprit organise les sensations et les interprète semble donc relever davantage du mythe que de la réalité. En outre, ce que nous voyons n'est pas toujours l'objet d'une interrogation. Nous ne choisissons pas de nous tromper dans le trompe l'oeil, l'erreur vient du fait que le jugement semble découler de la perception, qu'il se confond en quelque sorte avec elle pour ne faire qu'un. Comment donc penser les rapports de la perception avec la sensation et le jugement ?

lundi 12 décembre 2016

"C'est parce que l’artiste songe moins à utiliser sa perception qu’il perçoit un plus grand nombre de choses"

Commentaire

La pensée et le mouvant (1934) est un recueil d'essais et de conférences du philosophe Henri Bergson (1859-1941). Le regroupement de ces textes parus entre 1903 et 1923 s'explique par le fait qu'ils portent tous sur la méthode philosophique utilisée par Bergson. Ces textes portent sur la notion de durée, à savoir le temps vécu, continu de la vie de l'esprit, qui s'oppose au temps mathématique discontinu, ainsi que sur la notion d'intuition, qui correspond à la connaissance immédiate de la durée comme réalité ultime. L'intuition est une sorte de sympathie qui permet de saisir un objet dans ce qu'il a d'unique et d'inexprimable. Elle opère sur la mobilité (la durée) là où l'analyse opère sur l'immobilité (le temps mathématique).

Le texte ci-dessous est extrait du cinquième chapitre intitulé "La perception du changement". Dans les deux conférences qui le compose, Bergson soutient la thèse que l'artiste a une perception élargie, non intéressée, du réel. Elle se distingue en ce sens de la perception de l'homme du commun qui est orientée : elle sélectionne en vue de l'action. L'artiste est un individu dégagé des nécessités de l'existence, qui a un rapport distancié aux besoins et qui, par conséquent, a la capacité d'intuitionner les choses, de saisir la mobilité ou la durée au moyen de l'art. Ainsi, l'art constitue une voie d'accès privilégiée à la réalité. 

mercredi 7 décembre 2016

"Le corps propre est dans le monde comme le coeur dans l'organisme"

Commentaire

La Phénoménologie de la perception (1945) est un ouvrage de Maurice Merleau-Ponty (1908-1961) qui fait de la perception le primat de la pensée. Il critique toutefois l'empirisme au sens où ce dernier reconstruit la perception a posteriori, en l'objectivant. Merleau-Ponty s'inscrit plutôt dans la filiation de la phénoménologie. Le fondateur de ce courant philosophique, Husserl, s'était donné comme projet de revenir aux choses mêmes, ce qui signifie d'envisager comme point de départ de la réflexion le monde tel qu'il est vécu. Ce monde pour Merleau-Ponty est appréhendé par l'intermédiaire du corps. Cette relation corporelle au monde précède les explications scientifiques qui ne sont que des expressions secondes du vécu. L'ambition de Merleau-Ponty est de se situer en-deça de la science, en se focalisant sur l'existence humaine.

L'ouvrage comporte trois parties. Dans la première partie ("Le corps"), Merleau-Ponty étudie les caractères de ce qu'il appelle "le corps propre", à savoir le corps existentiel, centre de l'action et du vécu d'un sujet : la spatialité, l'être sexué et le langage. Dans la deuxième partie de l'ouvrage intitulée "Le monde perçu", d'où est extrait le texte ci-dessous qui en constitue le début, Merleau-Ponty s'intéresse au monde perçu : le monde tel qu'il est offert à la conscience d'un sujet passe à travers son corps, de sorte que ce monde est appréhendé existentiellement à travers lui, donc à partir de son lieu, de son être sexué et de son langage. Autrement dit, ce n'est jamais le monde objectif qui est saisi par une conscience, mais toujours un monde à travers un corps propre. En ce sens, une théorie du corps est déjà une théorie de la perception.

jeudi 1 décembre 2016

"Les sens ne trompent pas"

Commentaire 

La Critique de la raison pure (1781) est un ouvrage d'Emmanuel Kant (1724-1804) dont l'ambition est de refonder le savoir suite à l'analyse par David Hume de la causalité. Selon ce dernier, la causalité ne serait que l'effet de l'habitude en sorte qu'aucun savoir ne pourrait jamais être tenu pour assuré définitivement. Mais une telle conception revient à réduire la connaissance à l'expérience. La perspective critique de Kant est différente dans la mesure où une connaissance n'est véritable qu'à condition qu'elle prenne sa source à la fois dans la sensibilité et dans l'entendement. Certes, l'expérience n'est pas moins nécessaire pour connaître, mais celle-ci n'est rien sans une mise en forme préalable de l'objet qui est donné par les sens. Un objet est donné à la sensibilité sous forme d'intuitions sensibles, mais il est aussi pensé par l'entendement sous forme de concept.

Le texte ci-dessous se trouve au début de l'introduction à la "Dialectique transcendantale". La Critique de la raison pure se compose d'une esthétique transcendantale qui met au jour l'espace et le temps comme les deux formes pures de l'intuition et d'une logique qui elle-même se compose d'une analytique consacrée aux principes de l'entendement pur et d'une dialectique portant sur les antinomies de la raison pure. L'enjeu pour Kant est de comprendre ce qu'il se passe lorsque l'esprit cherche à connaître en s'aventurant en dehors des bornes de l'expérience. Dans la Préface, il explique que la métaphysique qui s'occupe des objets qui ne sont pas appréhendables physiquement, est un champ de bataille et que personne n'est encore parvenu à des connaissances certaines dans ce domaine. Cet échec n'est pas à attribuer aux sens.