mercredi 25 mai 2016

"Je ne suis pas seulement logé dans mon corps, ainsi qu'un pilote en son navire"

Commentaire

Les Méditations métaphysiques (1641) retranscrivent le chemin emprunté par Descartes (1596-1650) pour établir les principes de sa philosophie. Elles suivent l'ordre analytique de la découverte, c'est-à-dire l'ordre des raisons : on part du plus évident pour déduire les autres choses (cet ordre s'oppose à celui des matières où l'on part du plus important dans l'exposé général). Elles se composent de six méditations : le doute (I) d'abord, puis la découverte du cogito (II), l'idée d'infini donc de Dieu (III), la garantie divine de la véracité des idées claires et distinctes (IV), l'argument ontologique prouvant l'existence de Dieu (V) et l'union de l'âme et du corps (VI). 

Le texte ci-dessous est extrait de la Sixième méditation. Descartes, qui est parti de l'existence de la conscience à travers le cogito, doit expliquer l'existence des choses matérielles. Descartes avait imaginé la possibilité pour que ce qu'il perçoit du monde extérieur ne soit qu'un rêve. Or la preuve de l'existence de Dieu apporte une caution de la véracité de cette perception. Par conséquent, ce que nous percevons par les sens n'est jamais faux en soi, c'est l'opinion ou le jugement que nous nous faisons ensuite sur ce que nous percevons qui nous induit en erreur. Aussi, nous avons la faculté de corriger ces jugements du moment que nous nous bornons à juger seulement des choses dont nous avons une conception claire et distincte. 

"L'âme ressemble à ce qui est divin"

Commentaire

Le Phédon (385 av. J.-C.) est un dialogue de Platon (428-348 av. J.-C.) de la période dite de maturité. Il met en scène les derniers instants de Socrate, entouré par ses disciples dont les deux personnages qui apparaissent dans le texte ci-dessous, Cébès et Simmias. Il s'apprête à boire la ciguë conformément à la condamnation à mort dont il a fait l'objet à la suite de son procès. Le sujet principal qui est abordé est l'immortalité de l'âme. Avancée comme une hypothèse dans l'Apologie de Socrate, Platon qui s'affirme progressivement au cours de son oeuvre, en fait ici un élément acquis de sa philosophie.

Juste avant le texte ci-dessous, Socrate a utilisé sa théorie de la réminiscence pour convaincre son auditoire de l'immortalité de l'âme : l'âme en effet n'apprend rien de nouveau, elle ne fait que se ressouvenir de ce qu'elle a déjà appris lorsqu'elle pouvait contempler les Idées. Comme cet argument n'a pas convaincu Cébès et Simmias, Socrate en vient à l'examen des relations entre l'âme et le corps. Il remarque alors que l'âme se perd si elle se laisse troubler par le corps, mais qu'elle parvient à contempler les Idées immuables et éternelles si elle se tourne vers elle-même.

lundi 23 mai 2016

"C'est de matière qu'il faut que soit formée la substance de l'esprit"

Commentaire

De la nature des choses est la seule oeuvre de Lucrèce (98-55 av. J.-C.), philosophe latin influencé par la philosophie d'Epicure. Elle est écrite en vers, composée de six livres et probablement inachevée. Lucrèce, Epicure, mais aussi Leucippe et son disciple Démocrite qui en sont les précurseurs, sont les tenants du matérialisme, théorie selon laquelle tout le réel est composé de matière. Ce matérialisme est qualifié d'atomiste au sens où il s'accompagne d'une représentation de la matière comme composée d'atomes (à comprendre étymologiquement comme ce qui ne peut plus se séparer, du grec a-tomein : "qu'on ne peut pas couper").

Le texte ci-dessous est extrait du livre III. Ce livre est consacré à l'étude de la nature de l'âme. Lucrèce vient de défendre l'idée que l'esprit n'est pas différent d'une quelconque partie du corps. Il considère donc l'âme non pas comme une réalité immatérielle, mais comme une substance corporelle. Cette idée a un objectif thérapeutique : il s'agit de vaincre la peur de la mort. Si l'âme est matérielle, elle est corporelle et composée d'atomes, elle ne peut donc pas survivre à la mort du corps auquel elle est attachée. Puisque lorsque nous n'existons point, nous ne souffrons pas, il n'y a aucune raison pour que nous ressentions quelque chose une fois mort. La mort n'est donc pas à craindre.

samedi 21 mai 2016

Cours - La démonstration

Introduction

Une démonstration peut désigner tout d'abord une opération mentale destinée à établir la vérité. Cette opération nécessite une certaine rigueur afin qu'elle soit comprise de toute personne douée de raison. Le fait de démontrer une théorie peut également nécessiter d'apporter une preuve de ce qu'on avance, par exemple en réalisant une expérience. En ce sens, la démonstration n'est pas seulement un raisonnement rigoureux, mais elle est une vérification. Sur un autre plan, on dira de quelqu'un d'expressif, c'est-à-dire qui montre visiblement ses sentiments, qu'il est démonstratif, par opposition à une personne qui resterait timide ou introvertie. Enfin, un pays fera une démonstration de force dans le but d'intimider l'ennemi. 

Ainsi, comme le suggère l'étymologie, la démonstration renvoie à l'idée que l'on montre quelque chose à partir d'une autre. Le terme vient du latin demonstraremonstrare signifiant montrer et de à partir. Le processus démonstratif se fait avec comme objectifs de parvenir à la vérité, mais aussi de convaincre et de persuader. Par définition, on ne démontre pas ce qui est évident. On ne démontre pas non plus ce qui ne peut pas l'être, d'où la nécessité de se demander si tout peut-être l'objet d'une démonstration (peut-on démontrer l'existence de Dieu par exemple ?). Enfin démontrer, c'est suivre un certain nombre de règles, donc une méthode : on ne démontre pas n'importe comment. Cette idée est importante dans une discipline comme les mathématiques où la démonstration importe souvent davantage que la solution.

jeudi 19 mai 2016

"Seule la preuve apodictique, en tant qu'elle est intuitive, peut s'appeler démonstration"

Commentaire

La Critique de la raison pure (1781) est un ouvrage du philosophe allemand Emmanuel Kant (1724-1804 qui se donne comme objectif de réhabiliter la raison contre le doute sceptique. Pour cela, Kant cherche à tracer les limites d'un usage de la raison permettant de parvenir à la connaissance et au-delà desquelles toute connaissance demeure impossible ou illusoire. Il cherche donc une voie entre le rationalisme cartésien qu'il qualifie de dogmatique (c'est-à-dire qui ne s'interroge pas sur les prétentions de la raison à pouvoir établir une connaissance indépendamment de l'expérience) et le scepticisme modéré de Hume qui insiste au contraire sur l'impossibilité d'obtenir une certitude même au moyen de l'expérience (ce qu'on pense établir causalement n'est pour Hume qu'un effet de l'habitude). 

Le texte ci-dessous est extrait de la section intitulée "Discipline de la raison pure dans l'usage dogmatique". Dans celle-ci, Kant détermine les principes d'une méthode permettant aux métaphysiciens de ne pas perdre leur temps à réfléchir à des problèmes insolubles. Il lui importe ici de distinguer le savoir démonstratif, propre aux mathématiques, qui procède par construction de concept, et le savoir philosophique qui procède simplement par concepts et qui n'est pas capable de démonstration au sens strict du terme. 

mercredi 18 mai 2016

"Tout ce qui est peut ne pas être"

Commentaire

L'Enquête sur l'entendement humain (1748) est un ouvrage du philosophe écossais David Hume (1711-1776) qui se compose de douze sections. Déçu de l'accueil timide de son Traité sur la nature humaine (1738), Hume entreprend l'écriture de cette Enquête en soignant son style dans l'idée de rendre sa philosophie plus accessible. Son objectif est de déterminer quels sont les pouvoirs de l'entendement humain ainsi que les limites de son application légitime. 

Le texte ci-dessous est extrait de la douzième et dernière section de l'Enquête. Hume fait état de ses réflexions concernant les grands problèmes de la philosophie et s'inscrit contre la prétention d'auteurs comme les stoïciens, Platon ou Descartes à vouloir découvrir des vérités spéculatives, c'est-à-dire seulement théoriques, sans référence à l'expérience. Il invite en effet à se méfier de l'imagination qui s'élève rapidement à la prétention de pouvoir rendre compte même des sujets les plus compliqués. Pour cette raison, Hume est le tenant d'un "scepticisme mitigé" consistant à limiter les recherches à la capacité qu'il juge étroite de l'entendement humain.

dimanche 15 mai 2016

"Se tenir dans ce milieu de ne point définir les choses claires et entendues de tous les hommes, et de définir toutes les autres"

Commentaire

De l'esprit géométrique et de l'art de persuader écrit vers 1658 mais publié à titre posthume en 1728 est un opuscule de Pascal (1623-1662) constitué de deux parties : la première portant sur la méthode utilisée dans les démonstrations géométriques et la seconde sur l'art de persuader. L'objectif de l'ouvrage est d'exposer la meilleure méthode permettant de convaincre son auditoire d'admettre la vérité. Pour Pascal, deux moyens existent : s'adresser au coeur ou convaincre l'esprit. Pascal laisse de côté le premier moyen et livre trois règles pour le second : établir des définitions claires, apporter des preuves évidentes et substituer les définitions aux définis dans les démonstrations.

Le texte ci-dessous se situe dans la première section. Comme Descartes, Pascal souligne l'excellence de la géométrie qui a permis d'expliquer l'art de découvrir des vérités inconnues. En suivant ce modèle, il est possible d'expliciter une méthode qui rend les démonstrations convaincantes. Elle consiste en deux choses : définir tous les termes et prouver toutes les propositions. Pascal entend par définition le recours à un terme univoque pour désigner une réalité qu'on connait et identifie clairement. Sa fonction doit être seulement d'abréger le discours. Aussi, pour se préserver des tromperies sophistiques reposant sur l'équivocité des noms, il suffit de remplacer le mot utilisé par sa définition.

samedi 14 mai 2016

"Avoir une certitude égale à celle des démonstrations de l'arithmétique et de la géométrie"

Commentaire

Achevées en 1628 mais publiées à titre posthume en 1701, les Règles pour la direction de l'esprit sont écrites par Descartes (1596-1650) en latin. Elles sont au nombre de vingt-et-une. Elles lui permettent de s'affranchir de l'érudition scolastique et de poser les nouveaux principes de sa méthode pour découvrir le vrai. Mais elles affirment surtout son universalité : ces règles ont vocation à s'appliquer à tous les domaines du savoir, y compris à celui de la métaphysique. S'inspirant de la méthode mathématique, leur objectif est moins de l'étendre à toutes les disciplines que de parvenir dans chacune au même degré de certitude.

Le texte ci-dessous se situe à la fin de la Règle II. Cette règle a pour titre : "Il ne faut s'occuper que des objets dont notre esprit paraît capable d'acquérir une connaissance certaine et indubitable". Descartes estime qu'il vaut mieux ne jamais étudier que de s'occuper d'objets trop difficiles où il est impossible de distinguer le vrai du faux. Cette réflexion l'amène à écarter toutes les connaissances qui ne sont que probables et à reconnaître que, parmi les sciences de son époque, les seules à être exemptes de fausseté et d'incertitude sont l'arithmétique et la géométrie.

vendredi 13 mai 2016

"Savoir c'est connaître par le moyen de la démonstration"

Commentaire 

Les Seconds Analytiques d'Aristote (384-322 av. J.-C) font partie de l'Organon, oeuvre consacrée à la logique formelle et qui comprend six ouvrages : Catégories, De l'interprétation, Premiers et Seconds Analytiques, Topiques et Réfutations sophistiques. Alors que les Premiers Analytiques ont pour sujet le syllogisme d'un point de vue formel, les Seconds portent sur son application pratique. 

Dans le texte ci-dessous, Aristote livre une définition du savoir et de la démonstration : "savoir c'est connaître par le moyen de la démonstration" et "par démonstration j'entends le syllogisme scientifique", ce type de syllogisme permettant d'obtenir une "connaissance scientifique". Le syllogisme étant un raisonnement permettant d'établir une causalité, Aristote affirme par conséquent que nous connaissons une chose seulement lorsque nous connaissons sa cause. 

"Apprendre n'est absolument que se ressouvenir"

Commentaire

Le Ménon ou Sur la vertu (387 av. J.-C. ) est un dialogue de Platon (428-348 av. J.-C.) qui cherche à répondre à deux questions principales : qu'est-ce que la vertu et peut-elle faire l'objet d'un enseignement ? Avant de pouvoir dire si elle s'enseigne, il faut d'abord dire ce qu'elle est. Ménon, l'interlocuteur de Socrate propose alors plusieurs réponses possibles selon que l'on est un homme, une femme, etc. Mais il manque l'universalité de la notion et se retrouve dans l'incapacité de dire ce qu'est la vertu en soi.

Ménon, désemparé de ne pouvoir apporter une définition de ce qu'est la vertu, compare Socrate à "cette large torpille marine qui cause l’engourdissement à tous ceux qui l’approchent et la touchent" : il déclare subir le même effet et avoir l'esprit engourdi par les questions de Socrate. Afin de l'encourager, Socrate lui fait alors part de ce que disent les poètes à propos du savoir et expose ainsi la célèbre théorie de la réminiscence, théorie selon laquelle l'âme qui apprend ne découvre pas quelque chose de nouveau, mais ne fait que se ressouvenir de qu'elle savait déjà.

lundi 9 mai 2016

Cours - La religion

Introduction

Dans le langage courant, les religions renvoient à différents systèmes de croyances, impliquant un certain nombre de pratiques comme par exemple la prière, reconnaissant un principe supérieur tel un (monothéisme) ou plusieurs dieux (polythéisme) et propre généralement à une civilisation particulière (par exemple : la civilisation judéo-chrétienne, la civilisation arabo-musulmane, etc.). La religion suppose des rites, des cultes rendus, des cérémonies. Elle sépare un monde laïc et profane, celui de tout un chacun et un monde sacré, réservé à la consécration de ce principe supérieur. Elle engage enfin une certaine relation avec la ou les divinités ainsi que l'observance de règles dont elle prescrit l'application.

Etymologiquement, religion vient du latin religio qui signifie "attention scrupuleuse", idée que l'on retrouve dans l'expression "respect religieux" ou encore dans le mot "vénération" qui désigne un grand respect fait d'adoration et de crainte. Selon Cicéron, religion viendrait de relegere qui signifie "recueillir", "rassembler" et selon Lucrèce, de religare "relier", qui est une étymologie critiquable, même si elle a le mérite d'éclairer le sens du mot, la religion étant à la fois ce qui relie les hommes entre eux dans leur distinction essentielle avec la divinité (lien horizontal), mais aussi ce qui relie les hommes à la divinité elle-même (lien vertical). 

"La religion serait la névrose de contrainte universelle de l'humanité"

Commentaire

L'avenir d'une illusion (1927) traite principalement de la religion et de son avenir. La religion est conçue comme une illusion, c'est-à-dire un récit imaginaire dont on ne cherche pas à établir la vérité par un moyen rationnel, mais qui est considéré comme vrai parce qu'il nous rassure et nous présente la réalité sous un angle satisfaisant à nos désirs. L'extrait ci-dessous provient du livre VIII. Freud (1856-1939) y réalise un plaidoyer pour que les faits de culture ne soient plus interprétés du point de vue de la religion, mais rationnellement afin d'éviter le déni de réalité. 

Freud souligne l'existence d'une "concordance" entre le besoin de religion et le besoin de protection de l'enfant. S'il reconnaît qu'"il n'est pas bon de transplanter des concepts loin du sol sur lequel ils ont poussé", il est néanmoins possible d'approfondir une analogie afin d'émettre des hypothèses sur les conditions d'émergence de certains phénomènes, en l'occurrence ici, de la religion. Freud envisage la religion du point de vue du désir : les représentations religieuses vont dans le sens de ce que l'on souhaite et c'est en cela qu'elles sont des illusions.

dimanche 8 mai 2016

"Dieu est mort !"

Commentaire

Le Gai savoir (1882) se compose initialement de quatre livres écrits par Friedrich Nietzsche (1844-1900), il en ajoute un cinquième lors de la seconde édition parue en 1887 et donne à l'ensemble une Préface ainsi qu'un appendice poétique intitulé "Chants du Prince". Cet ouvrage est connu pour traiter notamment de deux thèmes nietzschéens connus : la mort de Dieu et l'éternel retour. 

Le § 125 qui est reproduit dans son intégralité ci-dessous constitue l'annonce de la mort de Dieu. Cette annonce est faite par un homme que Nietzsche décrit comme "insensé", "fou". Comment, en effet, Dieu, un être par définition éternel et immortel, pourrait-il mourir ? En réalité, derrière cette parabole, Nietzsche évoque la perte d'influence de l'Eglise et surtout la crise des valeurs qui caractérise l'Europe de la fin du XIXe siècle.

samedi 7 mai 2016

"La liberté de penser peut se concilier avec le maintien de la paix et le salut de l'Etat"

Commentaire

Le Traité théologico-politique (1670) a été à l'origine publié de manière anonyme par Baruch Spinoza (1632-1677) à Amsterdam, ville où régnait à l'époque une certaine liberté de penser puisque de nombreux livres paraissaient alors qu'ils étaient interdits partout ailleurs. La thèse de son ouvrage est justement que la liberté de penser est indispensable à l'Etat et ce dernier doit, pour cette raison, non seulement la tolérer, mais également la favoriser. 

Le texte ci-dessous est extrait de la Préface du Traité théologico-politique (TTP). Spinoza présente l'objectif de son ouvrage et notamment sa thèse principale : "la liberté de penser, non-seulement peut se concilier avec le maintien de la paix et le salut de l’État, mais même qu’on ne pourrait la détruire sans détruire du même coup et la paix de l’État et la piété elle-même". A son époque, les conflits confessionnels sont nombreux et l'enjeu est d'éviter que l'Etat ne se saisisse de ces questions pour imposer une manière de voir qui soit préjudiciable à la liberté de penser. Au contraire, l'Etat doit se borner à être le garant des libertés. On trouve ici les échos du libéralisme politique de Spinoza ainsi que du concept de laïcité (quoique le mot ne soit pas prononcé par Spinoza) comme principe de séparation du politique et du religieux.

vendredi 6 mai 2016

"La religion est la connaissance de tous nos devoirs en tant que commandements divins"

Commentaire 

La Religion dans les limites de la simple raison (1793) a connu une deuxième édition en 1794 où Kant (1724-1804) a ajouté de nombreuses notes. Dans la première partie de cet ouvrage, Kant traite du mal radical, notion qui renvoie au mal se trouvant à la racine de toutes nos actions morales : parce qu'il y entre toujours une part de sensibilité (amour de soi, préférences, etc.), elles ne peuvent jamais être purement accomplies par devoir. La quatrième partie revient plus spécifiquement sur la notion de religion. 

Le texte ci-dessous est extrait de la première section de la quatrième partie. Pour Kant, la morale peut conduire à la religion : l'idée de l'existence de Dieu peut être considérée comme un postulat pratique car elle est nécessaire subjectivement du point de vue de l'action. Il donne de la religion la définition suivante : "la religion (considérée subjectivement) est la connaissance de tous nos devoirs en tant que commandements divins". Cette définition doit permettre d'éviter de mauvaises interprétations du concept général de religion. 

jeudi 5 mai 2016

"Nous connaissons la vérité non seulement par la raison mais encore par le cœur"

Commentaire

Les Pensées (1670) sont un ouvrage publié à titre posthume qui constitue ce qui reste d'un projet d'apologie de la religion chrétienne. Blaise Pascal (1623-1662) y réalise une critique de la métaphysique, notamment celle de Descartes, en ce qu'il rejette l'idée d'un Dieu domestiqué par la raison. Il refuse ainsi les preuves théoriques de l'existence de Dieu apportées par Descartes. Elles sont pour lui à la fois inutiles et impossibles : impossibles car la raison dispose de limites et que Dieu la transcende ; inutiles car elles frappent peu l'esprit et nécessitent une trop grande attention. 

Dans le fragment ci-dessous, Pascal présente sa propre voie d'accès à la connaissance de Dieu qui repose sur sa notion fondamentale de "cœur". Il constitue, selon lui, le fond de la nature de l'homme et détermine à la fois la connaissance des premiers principes et son affectivité. A partir de ce que sent le cœur, la raison va ensuite pouvoir élaborer des raisonnements et tirer des conséquences, dans le domaine de la science comme dans celui de la foi. 

Cours - Le travail et la technique

Introduction

Le travail désigne une activité permettant à l'homme de satisfaire ses principaux besoins. En ce sens, il se situe du côté de la nécessité : l'homme se nourrit grâce au travail de la terre. Le travail est un élément essentiel de la culture. Il peut d'ailleurs être manuel ou intellectuel, artisanal ou industriel. Le terme est souvent associé à la peine et à la fatigue. L'étymologie du mot travail rappelle cette idée de souffrance : le latin tripaliare signifie "tourmenter avec un tripalium", instrument disposant de trois pieux utilisé pour ferrer les animaux, mais aussi comme instrument de torture.  

La technique renvoie à un savoir-faire. En règle général, le travail qui est une action destinée à transformer la nature en culture suppose une technique, c'est-à-dire un moyen de parvenir à cette transformation de manière efficace. Ainsi le savoir-faire se confond avec l'optimisation de l'efficacité d'un moyen utilisé pour parvenir à une fin. Une technique est toujours un savoir sur un procédé. La technique vient du grec tekhnê qui signifie "habileté", "art", "métier".

lundi 2 mai 2016

"Agis de façon que les effets de ton action soient compatibles avec la permanence d’une vie authentiquement humaine sur terre"

Commentaire

Sous titré Une éthique pour la civilisation technologique, le Principe Responsabilité (1979) de Hans Jonas (1903-1993) propose une nouvelle conception de la morale au moment où la science offre à l'homme un pouvoir qui semble désormais sans limite. L'enjeu du livre est de refonder une ligne de conduite à partir du principe Responsabilité dont le modèle est la relation entretenue entre un parent et son enfant. Les conséquences des activités humaines ont rendu incertain l'avenir de l'espèce humaine et de la nature. Il devient donc primordial pour l'humanité de prendre conscience de sa puissance et de penser ce qu'elle implique afin d'assurer un avenir aux générations futures. 

Dans l'extrait ci-dessous, Jonas formule à la manière de Kant un nouvel impératif catégorique. Pour Kant, un impératif catégorique se distingue d'un impératif hypothétique au sens où ce dernier se fait selon une fin particulière, il est lié au but poursuivi. Au contraire, l'impératif catégorique désigne ce qui doit être fait inconditionnellement, il n'a pas besoin d'autres justifications. L'impératif catégorique kantien formulé pour la première fois dans les Fondements de la métaphysique des moeurs (1785) s'énonce notamment ainsi : "agis seulement d'après la maxime grâce à laquelle tu peux vouloir en même temps qu'elle devienne une loi universelle".