samedi 25 mai 2013

Citations sur la morale



1/ La morale

"Une vie bien réglée vaut mieux qu'une vie désordonnée"+++
Platon, Gorgias.
→ Au moyen de la métaphore des tonneaux percés, Platon, par l'intermédiaire de Socrate, condamne la définition que Calliclès donne de la vertu comme capacité d'assouvir tous ses désirs par tous les moyens. Il montre au contraire que la nature de l'homme consiste à se montrer tempérant, à donner une limite à ses désirs afin de rendre l'âme plus indépendante du corps, condition indispensable pour se rendre heureux.


"Afin que je ne demeurasse point irrésolu en mes actions, [...] je me formai une morale par provision". +++
Descartes, Discours de la méthode, III. 
→ Dans son entreprise radicale de remise en cause des connaissances, Descartes a conscience que le doute ne peut être étendu à la connaissance pratique car il faut bien vivre en attendant de reconstruire l'ensemble du savoir. Pour cette raison, il préconise l'usage de quelques maximes de sagesse pratique afin d'éviter l'indécision et en attendant la détermination claire et distincte de la véritable nature du bien et du mal.

"Conscience ! Conscience ! instinct divin, immortelle et céleste voix". +++
Rousseau, L'Emile, Livre IV.
→ Pour Rousseau, la conscience est cette voix que chacun peut entendre et qui permet de sentir instinctivement le bien ou le mal. La morale est de l'ordre du sentiment et non de la raison. Elle est ce qui permet à l'humanité de s'élever au-dessus du règne animal pour se rapprocher du divin, d'où sa dimension quasi-religieuse. Mais comme tout homme possède cette capacité de juger du bien et du mal, elle se passe aisément de toute révélation.

"Le ciel étoilé au-dessus de moi et la loi morale en moi". +++
Kant, Critique de la raison pratique, Conclusion. 
→ Kant, tout en étant proche de Rousseau du fait de son affirmation de l'universalité de la morale, s'en distingue cependant en ce qu'il rattache la conscience morale non pas à un instinct, mais à la faculté rationnelle d'échapper au déterminisme naturel. C'est la loi, c'est-à-dire le fait que le devoir se présente à la conscience sous la forme d'un commandement, qui est au fondement même de la morale.


"Faire aux autres ce qu’on voudrait que les autres fassent pour vous, aimer son prochain comme soi-même, voilà les deux règles de perfection idéale de la morale utilitaire". +++
Mill, L'Utilitarisme, II.
→ Mill défend l'idée contre-intuitive que la morale utilitariste est compatible avec l'altruisme de la morale chrétienne. La morale utilitariste juge en effet le bien non pas à l'aune de l'utilité individuelle ou du bonheur personnel, mais par rapport à la somme de bien-être collectif qu'un comportement est susceptible d'apporter. Par conséquent, elle est porteuse du même message que celui de l'idéal chrétien correspondant à l'amour du prochain.

"Les faibles et les ratés doivent périr". +++
Nietzsche, L'Antéchrist, § 2. 
→ Avec cette formule provocante, Nietzche se veut le contempteur de la morale platonico-chrétienne. Il défend la force affirmative de la vie contre les valeurs du bien et du mal, contre le bonheur envisagé comme une paix de l'âme ou une satisfaction mesurée des désirs et contre la pitié pour la faiblesse et l'échec. A la place, il pose comme valeur ultime celle de l'accroissement de la volonté de puissance, force vitale intérieure qui ne cesse de déborder.

2/ La liberté

"Les choses qui dépendent de nous sont libres par leur nature"+++
Epictète, Le Manuel.
→ Les stoïciens comme Epictète conçoivent la liberté du point de vue de l'intériorité : la liberté se trouve ainsi restreinte à ce sur quoi nous pouvons avoir prise. Pour le reste, si cela ne dépend pas de nous, il est inutile de vouloir le changer, car la croyance d'une liberté serait une pure illusion et une source de troubles.

"Le plus bas degré de la liberté est celui où nous nous déterminons aux choses pour lesquelles nous sommes indifférents"+++
Descartes, Lettre au P. Mesland du 9 Février 1645.
→ La liberté chez Descartes est affaire de connaissance : nous sommes d'autant plus libres que nous avons de bonnes raisons d'agir d'une certaine façon plutôt qu'une autre. Ainsi, l'indifférence constitue une expérience possible de la liberté, mais aussi son degré le plus bas dans la mesure où nous n'avons aucune raison de préférer l'un ou l'autre choix d'une alternative.

"Il faut faire la distinction entre ce qui est certain et ce qui est nécessaire". +++
Leibniz, Discours de Métaphysique
→ Leibniz pense ensemble un monde où Dieu a tout déterminé à l'avance et où pourtant la liberté existe. Il faut pour cela distinguer le certain du nécessaire : les événements historiques ne sont que la suite de ce que Dieu a prévu et placé au sein de chaque individu, mais comme chaque individu l'ignore, il agit selon des raisons qui l'inclinent sans le nécessiter.

"L'obéissance à la loi qu'on s'est prescrite est liberté". +++
Rousseau, Du Contrat social, I, 8. 
→ Au plan politique, comment parvenir à maintenir une liberté au sein d'un pacte social unissant les hommes entre eux ? Rousseau répond qu'il faut passer d'une liberté naturelle à une liberté politique dans laquelle la loi émanant de l'ensemble d'une communauté humaine se retrouve être une loi voulue par tous. Ce faisant, l'homme s'élève au-dessus de ses propres désirs et se moralise.

"La liberté transcendantale est opposée à la loi de causalité" +++
Kant, Critique de la raison pure ("Dialectique transcendantale").
→ Kant souligne une contradiction fondamentale entre notre croyance à la liberté et la causalité : la liberté transcendantale, prise indépendamment de l'expérience, est contraire à la loi de causalité qui régit les sciences. Pour autant, elle reste une hypothèse fondamentale pour penser l'agir humain et la morale. La liberté, si elle ne peut être démontrée scientifiquement, reste un préalable pour penser l'agir humain.

"L'homme est condamné à être libre"+++
Sartre, L'existentialisme est un humanisme.
→ Pour Sartre, l'homme ne peut pas échapper à sa liberté, telle est sa peine. Si Dieu n'existe pas, tout est permis, ce qui signifie que, dans un monde sans Dieu, la responsabilité humaine devient immense car sa liberté est absolue. Aucune excuse n'est jamais suffisante pour justifier de n'avoir pas agi alors que nous le devions. 

3/ Le devoir

"Fais ton bien avec le moindre mal d'autrui qu'il est possible". +++
Rousseau, Discours sur l'origine de l'inégalité, I.
→ Avec Rousseau, le devoir plonge ses racines dans la sensibilité naturelle, ce qu'il appelle la pitié, qui porte à la sympathie envers autrui et vient faire contrepoids à un autre sentiment naturel visant l'auto-conservation : l'amour de soi. La maxime de la moralité consiste donc à faire son bien avec le moindre mal qu'il est possible à autrui.

"Le devoir est la nécessité d’accomplir une action par respect pour la loi". +++
Kant, Fondements de la Métaphysique des moeurs, Première section.
→ Contrairement à Rousseau, Kant estime que le devoir est plus proche de la raison que de la sensibilité : il réside essentiellement dans l'accomplissement d'une action par respect pour la loi. Le devoir est désintéressé : l'action morale ne l'est que si l'action n'est motivée que par le respect de la loi morale. 

"Agis uniquement d'après la maxime qui fait que tu peux vouloir en même temps qu'elle devienne une loi universelle"+++
Kant, Fondements de la Métaphysique des mœurs, Deuxième section.
→ Kant donne comme critère ultime de la moralité l'impératif catégorique qui consiste à agir uniquement d'après une maxime que l'on peut universaliser. Par exemple, le vol n'est pas une action morale puisque le voleur ne peut vouloir que le vol soit permis par une loi générale sinon il ne pourrait plus rien s'approprier. En volant, il s'excepte lui-même de la loi et son action est donc immorale. 

"Même chez l'homme prétendu normal, la domination du soi par le Moi ne peut dépasser certaines limites". +++
Freud, Le Malaise dans la civilisation, Chapitre VIII.
→ Freud pose les limites du devoir et invite à réfléchir au caractère irréaliste de certaines maximes du devoir. "Aimer son prochain comme soi-même" lui apparaît être un commandement absurde puisqu'il nie au fond l'agressivité humaine. De manière plus générale, c'est le processus de civilisation qui, en cherchant à nier cette agressivité pour permettre la vie en société, rend l'homme malheureux.

"Nos devoirs - ce sont les droits que les autres ont sur nous". +++
Nietzsche, Aurore, Livre II, § 112 : "Pour l'histoire naturelle du devoir et du droit".
→ Nietzsche réalise une histoire naturelle du devoir pour montrer qu'à sa racine, il y a l'idée d'une dette à l'égard de tous ceux qui ont pourvu à notre éducation. Nos devoirs sont la marque du pouvoir que les autres ont acquis sur nous. Mais ils sont aussi un moyen de libération au sens où rendre, c'est aussi s'affranchir. Dans l'effectuation de son devoir, l'homme reconquiert et fait reconnaître son droit.

"Autant qu’il pût en juger, Eichmann agissait, dans tout ce qu’il faisait, en citoyen qui respecte la loi". +++
Arendt, Eichmann à Jérusalem, Rapport sur la banalité du mal.
→ Arendt critique la morale du petit homme, l'obéissance de cadavre qui consiste à suivre aveuglément les lois de son pays en abdiquant toute faculté de critique et de jugement du bien et du mal. Elle invite aussi à reconsidérer le devoir dans sa conception kantienne en ce qu'il implique l'idée qu'il faudrait faire plus qu'obéir à la loi et identifier sa propre volonté au principe même de la loi morale. 

4/ Le bonheur

"La félicité et le bonheur ne sont pas l'œuvre d'une seule journée". +++
Aristote, Ethique à Nicomaque, I, 6.
→ La morale aristotélicienne est eudémoniste, c'est-à-dire qu'elle fait du bonheur le souverain bien. Ce bonheur consiste en la réalisation avec le plus de perfection possible de la fonction propre à l'homme qui est d'utiliser sa raison. Cette utilisation doit se faire avec sagesse, avec le souci de trouver le juste milieu, ce qui ne saurait se faire en un seul jour. 

"Le plaisir est le commencement et la fin de la vie heureuse". +++
Epicure, Lettre à Ménécée.
→ Epicure aussi considère le bonheur comme le Souverain Bien, mais pour lui, il est indissociable d'une bonne gestion des plaisirs. Les plaisirs sont à la fois le commencement de la vie heureuse car ils permettent de déterminer ce qu'il faut rechercher et ce qu'il faut fuir, et aussi la fin, car c'est le plaisir qui doit rester la finalité de nos actions. Des plaisirs mesurés sont la condition d'une vie heureuse.

"Le bonheur est un idéal, non de la raison, mais de l’imagination"+++
Kant, Fondements de la Métaphysique des mœurs, II.
→ Pour Kant, le bonheur n'est pas la finalité de la morale. Il est un idéal de l'imagination, ce qui signifie que s'il est un but pour tous, chacun définit le bonheur comme il veut. C'est pour cette raison que le bonheur est un concept indéterminé qui ne peut pas servir à orienter notre action.

"La morale nous enseigne comment nous devons nous rendre dignes du bonheur"+++
Kant, Critique de la raison pratique, I, 2.
→ Si la morale kantienne ne nous dit pas ce qu'est le bonheur, elle enseigne sur la manière dont on peut agir afin de s'en rendre digne. Pour cela, il suffit d'agir conformément à la loi morale, d'effectuer son devoir de manière inconditionnelle, sans attendre une quelconque récompense. Ce n'est qu'une fois son devoir effectué que le bonheur devient une espérance possible avec la religion.

"Tout bonheur est négatif, sans rien de positif"+++
Schopenhauer, Le Monde comme volonté et comme représentation, IV.
→ Schopenhauer regarde le bonheur entendu dans son sens positif, c'est-à-dire en tant qu'état de conscience d'une plénitude de satisfaction, comme une illusion. La vérité du bonheur selon lui est de n'être qu'un état se caractérisant par l'absence de souffrance. Il trouve la preuve de cette vérité dans l'art qui ne fait jamais du bonheur son sujet principal afin d'éviter son essentielle monotonie.

"Il faut porter en soi un chaos pour pouvoir mettre au monde une étoile dansante". +++
Nietzsche, Ainsi parlait Zarathoustra, Prologue, § 5.
→ Nietzsche se fait le contempteur du bonheur du dernier homme, un bonheur prudent, mesuré, qui ne doit pas gâter la vie. Au contraire, il suggère que le bonheur est une conquête de l'existence qui ne peut s'acquérir qu'à travers le dépassement de soi. Le bonheur nietzschéen suppose de s'affirmer à l'égard de la vie en tant qu'être créateur : il n'est pas passif, mais actif.

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